(1) Dans le calembour nulos, vous me donnerez le premier prix, je sais, mais je ne peux pas m'en empêcher.
Faut le faire comment ? de raconter quand c'est arrivé et qu'est-ce qui s'est passé
Dans un passé simple mais assez composé je vous avais raconté l'arrivée de Seznec à Morlaix, dans la nuit d'un dimanche de mai, vue par Marie Jeanne. Mais telle que je l'imaginais, sans connaitre les révélations de son fils...
Maintenant, je peux inverser pas mal de trucs, et vous la faire, toujours à travers les yeux de Marie Jeanne et pas dans les bras de Guillaume.
Bon, allez, en place. On y va !
Toutes des vieilles biques puantes
Des jalouses, des merdeuses
Qui font rien que de loucher au dessus des murs pour voir ce qui se passe chez nous
et qui disent que ceci
et qui disent que cela
Des menteries, des vilénies qui puent comme leurs chattes froides et raidies par l'inaction
Et le Pierre, ce petit gros rondouillard et replet, qui sent l'eau de lavande et le cuir beurré, qui fait ses ronds de jambe, ses giries et son trou du cul de politicien.
Lui, il me sort par les yeux, les trous de nez et les oreilles.
Y met les nerfs,
oui, les nerfs.
J'y foutrais bien mon parapluie quelque part.....jusqu'à le faire péter.
Et puis voila. A neuf heures, ce matin, le Pierre qui rentre dans la maison.
Moi, en chemise, je venais de me lever, je faisais du café en bavassant avec Angèle sur le soleil et le beau temps du jour. Guillaume, le petit, il était déjà parti dans le jardin, à courir avec les chiens. Gambader dehors, c'est tout ce qu'il aime faire. Insouciant.
Quéméneur frappe et entre. Comme souvent. Pas vraiment gêné. L’œil souriant, la plaisanterie à la bouche, la bonne-humeur en devanture éternelle de son éternelle boutique.
Moi, je me drape dans mon châle et me précipite pour aller m'habiller un peu plus
Mais lui :
-Pa besoin de coiffe, Marie Jeanne, ce matin , c'est du tout simple. C'est un jour d'exceptionnel printemps. C'est déjà comme l'été. Tout en fleur , tout en odeur. Tout va si bien. C'est comme le bonheur...
Et moi qui me demande qu'est-ce que ça veut dire tout ça...
Et qui le lui demande
Voila, Marie Jeanne. Hier, j'étais à Paris, pour ces affaires de voitures. Mais surtout pour une autre affaire. Je l'ai dit à personne. Même pas à Seznec.
Une affaire ou je vais être directeur de banque,
Patron de la banque, à Landerneau
Une affaire.
Banque Privée Coloniale.
Vous vous rendez compte, Marie Jeanne, une banque très importante, plein de ressource, qui gère des tas de capitaux et on aura la main sur des tas d'investissements, des investissements énormes, des capitaux...
Fini le petit commerce du bois, des alcools, là, c'est des investissements énormes.
Moi, franchement, ça m'a fait plutôt l'effet d'un grand rien du tout. Je voyais pas ce qu'il voulait dire.
Et dans la foulée, je lui ai demandé
- Et Plourivo ?
-Plourivo, qu'il m'a répondu. C'est bon, je vous l'ai vendu. Guillaume m'a donné les dollars. Vous l'aurez en Septembre. Vous irez dès cet été.
Et puis, je lui aurais des prêts, à la banque...
Dans l'euphorie, il s'est approché, m'a pris la main, il s'est approché de plus en plus. Son haleine me pénétrait dans le nez, dans la tête. Une haleine aigre, à peine entamée par les sucreries à la menthe qu'il avait dû avaler juste avant. Ça me dérangeait, ça m'exaspérait, la menthe, la lavande, l'aigre des dents pourries sous l'or qui inondait son sourire vicelard.
Tout me poussait à le vomir.
Soudain, il a posé une main velue sur mon sein.
Je ne sais plus ce que j'ai hurlé.
Mais j'ai hurlé encore et encore.
Un cri immense de dégoût, pour l’expulser de moi, de ma vie , de ma conscience.
Quand on se culbute, avec Guillaume, je m'ouvre immense, je me l'engloutie entier, je me l'avale et je me l'enfouie en moi, et le garde complètement.
Là, c'était exactement l'inverse. Je rejetais , par ce cri, tout ce qui m'effrayais me rebutais de ce gnome que les mégères du voisinage voulaient accrocher à ma vertu.
Je criais
et je criais encore et encore
Ma cervelle éclatait sous le bruit intérieur. Mes oreilles grondaient comme le roulement du torrent de l'enfer.Et, surtout, mon sexe se consumait d'un froid gigantesque. Je serrais désespérément mes cuisses. Elles s'écrasaient l'une contre l'autre et mon cerveau s'unissait à elles dans un geste de repli, de défense désespéré.
Je criais toujours
et encore
Mes larmes
Mes Yeux
Je ne sais plus très bien...
Mais maintenant je me vois
Des tremblements
des hoquets
des baves
des vomissements
encore des hoquets
des éblouissements
une fièvre intense
un froid immense
Angèle me tient la main
Elle aussi pleure
Tout m'est échappé...
Sauf le corps de Pierre, contorsionné
Comme s'il s'était fermé sur lui-même
Immobile
Immobile et sans vie
Il est mort
Moi, je le vois mort
Je sombre dans une nuit qui n'est que dormir, comme s'il me fallait oublier. Le noir, pour oublier. Je ne sais pas si cela s'effacera. Ma tête...ma pauvre tête.... C'est noir mais pas assez...Je sombre dans le dormir, mais je surnage quelque part.
Guillaume, sa voix
Guillaume, sa voix... mais que dit-elle ?